Au travail

ANONYME, Ecole pratique d’industrie de garçons de Saint-Victor, [1906], photographie négative sur plaque de verre (AMM, 16 Fi 698)

Dans les sociétés rurales traditionnelles, l’enfant est une force de travail au sein de la cellule familiale, où il est employé selon ses forces. L’industrialisation au XIXe siècle se fait sur la même logique, et de nombreux enfants sont embauchés dans les fabriques ou dans les ateliers ; c’est une main d’œuvre docile et peu coûteuse. Dans un contexte libéral, l’Etat intervient a minima pour les protéger : alors que l’instruction primaire n’est pas obligatoire, seule la loi du 22 mars 1841 pose des limites à leur exploitation : elle interdit d’employer des enfants de moins de 8 ans dans des manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique ou feu continu, de même qu’elle limite le temps de travail des 8-12 ans à 8 heures maximum par jour, entrecoupées de temps de repos ; elle prohibe aussi le travail de nuit pour les moins de 13 ans et le travail le dimanche et les jours fériés pour les moins de 16 ans. Mais ces dispositions ne concernent que la grande industrie.

Dans le dernier quart du siècle, les choses changent : la IIIe République se donne pour mission de protéger la santé des futurs citoyens et de les éduquer en bons républicains ; elle s’en donne aussi les moyens en intervenant dans la réglementation du travail. La loi du 19 mai 1874 proclame la primauté de l'instruction primaire sur les exigences du travail : ainsi, l’âge minimum légal pour travailler est repoussé de 8 à 12 ans pour permettre aux jeunes salariés d’avoir une instruction primaire correcte. Les lois scolaires de Jules Ferry (1881-1882), en rendant l’école primaire gratuite et obligatoire jusqu’à 13 ans (14 ans en 1936, 16 ans en 1959), parachèvent le processus et rendent en théorie le travail des enfants impossible.

Mais l’application des lois sur le terrain n’est pas toujours effective : à Marseille, si les grandes industries traditionnelles (huileries, savonneries, raffineries de sucre) sont peu utilisatrices de la main d’oeuvre enfantine, cette dernière demeure bien employée dans les filatures, verrerie, entreprises de construction mécanique et fabriques de tuiles de la ville et sa banlieue, ainsi que dans les « petits » métiers de la rue et de service, qui échappent complètement à la législation, de même que certaines organisations charitables, qui sous couvert d’apprentissage et formation, font travailler trop durement et gratuitement leurs recrues.

Il faut attendre le XXeme siècle pour voir l’article 9 de la Déclaration des droits de l’enfant (promulguée le 20 novembre 1959 par l’O. N. U.) proclamer, parmi d’autres dispositions, l’obligation d’un âge minimum approprié pour travailler et surtout la primauté absolue de la santé et de l’éducation de l’enfant.